mercredi 20 octobre 2010

Un héros

"La vieille photo", un texte de Cécile : clic
La page photos de l'atelier du 18 oct : clic


Comment Louis Victor est devenu un héros
Mots clés : Chanson, horloge, vélo

Louis Victor est arrivé à Puitfond un soir de printemps alors qu’il avait projeté de faire un tour de France en vélo. Il était 20h à l’horloge du village. Sur la place, chacun poussait sa petite chanson.
Malgré une étape assez longue, Louis Victor se sentait en pleine forme et plutôt que d’aller chercher un gite pour la nuit il s’assit près de la fontaine pour se rafraichir un peu. Il écoutait avec attendrissement le répertoire qui le rejoignait justement. Il se rapproche du groupe, les hommes venaient de terminer une partie de pétanque et avaient probablement bu une bière ou deux qui les avaient mis en joie.  Invité par la jeune meneuse il se décide à les rejoindre.
Il ne connaissait pas toutes les chansons d’autant plus qu’elles avaient un caractère local pour la plupart ; il était parisien et venait de terminer ses études de géologie. Il espérait trouver un emploi sur un chantier de fouilles archéologiques.
Le groupe lui paraissait sympathique et Louis Victor était particulièrement attiré vers celle qui lançait la plupart des chansons.

Encore Jeannette ! Encore !
Quelle voix elle avait cette Jeannette ! Louis Victor était séduit et il n’arrivait pas à trouver une chanson qui pouvait, selon lui, s’accorder avec elle. Cela le titillait. Il aurait voulu se faire remarquer mais elle restait totalement indifférente à tout se qui pouvait la distraire. Il résolu de prendre son temps et d’attendre l’occasion. Au moment où il retournait prendre son vélo l’horloge sonnait 22 h.
Hé le nouveau ! Ne faut pas t’en aller si vite ! Tu chantes bien et c’est un plaisir de t’avoir avec nous !
Jeannette le retenait. C’était gagné.
Louis Victor n’en revenait pas. Tout excité, il n’est pas parti ce soir là ni les autres non plus. Il n’a pas cherché de quoi se loger, les portes se sont ouvertes, il était invité partout.
Au départ, Jeannette lui avait trouvé une petite chambre dans la boulangerie depuis longtemps fermée. Il s’est alors intéressé à l’affaire et trois semaines après son arrivée à Puitfond il avait réussi l’exploit de remettre la boutique en activité. Il était devenu un héros.
Ses amis les chanteurs lui donnaient un coup de main pour le ravitailler en farine et en bois de chauffage pour alimenter le vieux four qu’il avait remis en état.
Jeannette tenait la boutique et servaient les clients pendant qu’il préparait les fournées. Il s’arrangeait même pour livrer les isolés dans la campagne.

Depuis qu’il est une vedette, un héros, Louis Victor a abandonné son vélo dans l’arrière boutique de la boulangerie. Il se lève tous les matins, juste avant que l’horloge ne sonne 4h. Pas facile d’être debout si tôt alors que l’on est un adepte de la grasse matinée. Il est tout étonné de sa nouvelle vie. Finies les soirées interminables qui vous laissent parfois ivre mort ; il ne pense plus aux chantiers archéologiques alors qu’il rêvait de grands espaces. Il se passionne dans l’art de faire les pizzas en plus des différentes sortes de pain que ses clients lui demandent.
Il vit comme un ascète, ce dragueur d’antan, poussant régulièrement ses petites chansons. La présence de Jeannette lui suffit.

Louis Victor est heureux. Chacun croit connaitre toute son histoire de citadin reconverti à la vie campagnarde, d’étudiant parisien amoureux de vélo.
Pourtant tout au fond de lui-même une épine, un souci dont il ne se remet pas. Il sait que dans sa toute première enfance il a été terrassé par une maladie du sang qui a été soignée par des rayons. Ces rayons ont détruit les gènes reproducteurs entrainant la stérilité définitive.
Adopté très jeune, il n’a jamais connu ses vrais parents et il a toujours rêvé fonder une famille pour réparer cette injustice. Il se refuse à demander Jeannette en mariage car il sait qu’il ne pourra pas avoir d’enfant et il ne veut pas lui imposer cette situation.
C’est une chanson triste que l’horloge du village rappelle toutes les heures.

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