lundi 18 avril 2011

Moi sur mon vélo ...



                                                    Moi sur mon vélo

      

 Moi sur mon vélo, je suis un être libre et léger, pur de connaissances révélées bien avant ma naissance.
Moi sur mon vélo, je revis l’oubli, le sens du secret. Je renais à chaque instant sur mon vélo.

Moi sur mon vélo, je pédale vite pour oublier, oublier qui je suis, ce que je suis.
Je pédale vite pour oublier  mon vélo, ce qu’il est, ce pourquoi il existe en tant qu’objet et son usage.
Je pédale vite pour défier les distances et le temps qui m’échappe. Le temps qu’il me reste à pédaler, à dévoyer la gravitation et l’espace.

Je n’exprime pas ici un plaidoyer pour un vélocipède, plutôt un pédalier pour le mélo bipède que je suis. Deux pieds et une douce mélo, mélodie de l’espace ; comme une fusion sans combustible en déshérence stratosphérique…

Je pédale donc je suis. Je pédale, je déroule une partition musicale sur une belle nébuleuse entre Orion  et Singapour. A chaque tour de pédalier une note se détache ; la mélodie est douce, apaisante…
J’oublie ma  maîtresse, belle dulcinée au savoir terrestre bien loin de mes préoccupations oniriques. Celles qui m’éloignent de vos murs, vos murmures aux sons des leçons et devoirs qui m’insupportent… Je hais vos écoles… Je pédale, je décolle... Bien loin de vous chers Maitres et décamètres…

Je tourne mon pédalier toujours dans le même sens. J’avance, je libère mes prières à chaque tour tels des rouleaux de Shiva dans un temple bouddhiste.

Moi sur mon vélo, je pars au bout du monde pour échapper à l’oubli, à l’écorce de ta peau.
Zeste de citron couleur phosphorescente des U.V ceux qui hale ton corps et tes seins gonflées à l’hélium.
La terre à ses limites, la vie a ses instincts…
La terre que l’on donne, la terre  que l’on prend, comme le temps qui passe la terre nous échappe…
 Le temps nous guette, le temps s’écoule, le temple s écroule…seule notre mort  rattrape le temps et le fixe…

Moi sur mon vélo je suis libre et léger. Je pédale, je suis au souffle de ma vie…A la source de ta vie… Elle m’immonde de plaisirs  aux goûts incestueux… De déesses impudiques aux senteurs d’amours … De débauches…

A faire semblant, on oublie les secrets du « Commencement… » .

« Au commencement, il fut…Les cieux et la terre… Ainsi soit- il…Et ce fut bien ainsi… »

Ainsi soit les ailes abandonnées des papillons irradiés  sur les tombes des innocents de Kaboul, de Fukushima…

                                                    (Paul Dahan Avril 2011)
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En vélo

Moi, sur mon vélo, j’avais neuf ans, je suis parti un jour avec Grand père, près de la petite rivière qui coule le long du château.
Après quelques kilomètres j’ai demandé à m’arrêter car j’étais fatigué. Tandis que je me reposais Grand père est parti dénicher deux planches et a entrepris de monter un petit moulin. Deux piquets fourchus qu’il a plantés au milieu du courant soutenaient une tige horizontale fendue en son milieu. Il a inséré, en X, les morceaux de planche sur cet axe en le posant à la bonne hauteur afin qu’il y ait en permanence une extrémité de la planche qui trempait dans l’eau. Et, oh merveille, l’ensemble tournait entrainé par le courant !
Je n’avais plus goût à remonter sur mon vélo et Grand père, de bonne composition s’est mis en tête de m’apprendre à pêcher.
Un bambou coupé dans le parc voisin fit office de canne à pêche mais comment monter une ligne, un flotteur et un hameçon suffisamment fonctionnels pour piéger les poissons ?

Moi sur mon vélo je pédale vite pour oublier la fatigue.
Il a fallu revenir à la maison. Je ne pouvais pas demander à Grand père de s’arrêter toutes les deux minutes alors je me suis mis en tête de le dépasser et de prendre la tête de l’équipée. Lui gardait son allure et ne tardait pas à me rejoindre. Mais quelle galère et il n’était plus question de moulin ou d’apprendre à pêcher !
Faire du vélo et dépasser Grand père, c’est merveilleux ! La fatigue n’existe plus ! J’ai l’impression d’avoir des ailes et que le monde entier me regarde comme si j’étais le leader du Tour de France.

Moi, sur mon vélo, je pars au bout du monde pour échapper à la colère. Celle de mon père ou la mienne, je ne sais pas au juste.
J’ai décidé de partir, de partir en vélo, en vélo au bout du monde et me voilà en route.
La goutte d’eau, d’essence plus précisément, qui a fait déborder le vase ou le briquet, a été décisive. Il n’aurait pas du, mon père ; il n’aurait pas du me dévaloriser de cette façon ; je n’en pouvais plus. Une histoire de briquet, une aide de ma part alors qu’il aurait bien pu se débrouiller seul même avec un bras accidenté. Je lui ai rendu ce service mais ce sera la dernière fois. Oui j’avais renversé un peu d’essence sur le briquet et j’ai mis le feu trop tôt mais lui, plutôt que de me plaindre de m’être brulé il m’a chassé en criant « quel veau ! mais quel veau ! ». Ce sont des détails mais ajoutés les uns aux autres, je ne supportais plus. Alors je suis parti et je vais à l’aventure, au bout du monde pour me changer les idées.
Je n’aime pas faire du sport, c’est trop fatigant mais peu importe, quand ce sera trop dur, je penserai à Grand père, je rêverai au moulin sur la rivière et je tenterai de pêcher.

Moi, sur mon vélo, j’ai fixé une petite sacoche derrière la selle et dedans j’y ai placé une ligne, bien équipée d’un flotteur et d’un hameçon. De cette façon, je suis certain que lorsque je serai au bout du monde, je pourrai, à coup sûr, pêcher comme Grand père a voulu m’apprendre.
(texte de Marc)
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Consignes :
Un petit garçon raconte :
Un bon souvenir, un moyen, un mauvais, en insérant des phrases tirées au sort.
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